Ils avaient des jardins. Des jardins ronds comme des œufs et enclos comme des nids cernés de branchages dans lesquels ils marchaient en conversant. Il y avait des allées droites bordées d’arbres qu’ils suivaient, des allées sans surprise, sans obstacles. Tout à leurs pensées, ils pensaient. Ils écoutaient le vent en échangeant des propos non point sur les affaires du monde mais sur leurs saisons intérieures.
Il y avait des bassins où se reflétait le ciel et où glissaient des carpes. Et chacun s’asseyait au bord du bassin en se prenant la main sans mot dire, et si un poète venait à leur parler des vertus d’un jardin niché dans son enclos de broussailles, ils étaient heureux d’entendre que le vent soufflait non loin de là sur une forêt de bambous qui tremblait gentiment comme les doigts d’une vieille main car les mots ouvrent des espaces dans le cœur où l’on revient souvent après avoir refermé le livre.
Ils avaient des jardins où tout était harmonieux comme au premier jour et là, ils priaient le Seigneur qui avait créé l’herbe et la fleur, les pierres et la terre, la carpe et le moineau. C’était un royaume niché au milieu d’une forêt, un édifice vivant que Dieu leur avait donné et où ils étaient entrés avant de s’endormir devant la cheminée en regardant les braises, toujours échangeant des propos sur les saisons de leur âme.
Ils avaient des jardins où poussaient des pommiers dont ils attendaient de voir les premières fleurs si tendres sur la branche si vieille car l’aube et le crépuscule vivaient côte à côte, et le printemps revenait toujours dans le jardin sauf pour eux qui n’avaient eu qu’un seul printemps à jamais disparu.
Et pourtant, chaque fois qu’ils entraient dans le jardin, ils avaient le sourire. Ils échangeaient des propos sur les saisons de leur âme, les jeunes étonnés qu’on puisse vieillir un jour, les vieux étonnés d’être devenus vieux, mais contents d’en avoir bientôt fini avec le théâtre du monde, fatigués et heureux de quitter la scène sous les rires et les applaudissements.
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